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Janvier 2021

Collective strategies to cope with work related stress among nurses in resource constrained settings


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An ethnography of neonatal nursing in Kenya
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McKnight, J., Nzinga, J., Jepkosgei, J. & English, M.

référence
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McKnight, J., Nzinga, J., Jepkosgei, J., & English, M. (2020). Collective strategies to cope with work related stress among nurses in resource constrained settings: An ethnography of neonatal nursing in Kenya. Social Science & Medicine, 245, 112698.

 

Our opinion

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3
opinion

Un très bon article venu du domaine médical sur comment maintient-on la sécurité en conditions particulièrement dégradés dans les pays émergents. 

Ces leçons restent valables pour les comportements observés dans tous les domaines industriels.
 

Notre synthèse

Les maternités ont un manque critique de personnels dans les pays en voie de développement (et pas seulement…), au risque évident de ne pas pouvoir suivre les recommandations de bonnes pratiques, parfois même pour les soins les plus élémentaires.

Cette étude originale -de type observation ethnographique- conduite dans les maternités du Kenya- regarde plus particulièrement comment les infirmiers arrivent -dans ces conditions de chroniques de sous-effectifs à tout de même prioriser les tâches et délivrer des soins ‘raisonnables’ grâce à des stratégies collectives.

Rappelons que les recommandations au Royaume-Uni - déjà anciennes - préconisent 1 infirmier pour 2 ou 4 nourrissons malades, avec des articles déjà anciens associant toute baisse de ce ratio a une augmentation du risque de mortalité. Au Kenya, la réalité du ratio est plutôt 1/25 nourrisson, un chiffre assez banal en Afrique, mais qui fait maintenant beaucoup plus polémique avec la montée de la pression des médias et des scandales sanitaires récurrents et publics dans ces pays.

Ces situations commencent donc à être explorées dans plusieurs pays d’Afrique, et nous avons sûrement beaucoup à apprendre de cette littérature sur l’adaptation car nos propres ratios d’infirmiers dans les pays occidentaux se sont lourdement dégradés dans la dernière décennie, et que certaines pratiques industrielles sont aussi en sous-effectifs chroniques.

Souvent la littérature qui traite du sujet se limite à faire appel à des concepts généraux, notamment le concept de résilience comme l’autre face d’une même pièce où serait gravé le concept de burnout des travailleurs. Mais les définitions de la résilience -comme du burnout- restent bien trop générales pour vraiment comprendre et enseigner les leçons de ces mécanismes d’adaptation à grande échelle.

Les observations de ces mécanismes adaptatifs collectifs des infirmiers à la pression contextuelle ne sont pas nouveaux. Déjà Menzies en 1960 avait identifié 10 pratiques dans leur métier pour gérer collectivement l’anxiété chez les élèves-infirmiers en stage (10 défenses sociales) et plusieurs de ces traits vont se retrouver dans la présente étude.

La méthode employée est typiquement ethnographique, par observations directes in situ de pratiques professionnelles recueillies par 4 ethnologues, couplées à des entretiens dirigés avec le personnel (individuels et focus groups) dans trois maternités de Nairobi,  en cumulant les données de jour, de nuit et de WE sur une période de 8 mois en 2016.  

Résultats : Les nourrissons sont répartis en 3 secteurs néonat dans les services correspondant à trois niveaux différents d’exigence de surveillance (A pour les nourrissons à haut risque, B intermédiaire et C pour les nourrissons à bas risques).

Le chauffage est un problème récurrent, avec un manque habituel de matériel d’oxygénation. Le contrôle infectieux est limité. Beaucoup de soignants sont en fait des stagiaires en apprentissage et non. Les médecins sont assez présents et discutent les cas avec les infirmiers, mais chacun reste dans son rôle. Les parents et familles sont une autre source d’aide pour les soins, mais sans nécessairement une éducation robuste. Les infirmiers essaient de leur passer de l’information, et de les éduquer, quand ils/elles ont le temps.

Quelles sont les stratégies collectives utilisées pour gérer cette situation difficile ?

  • La routine, par répétition des mêmes séries de gestes et actions dans un même espace horaire, permet de déstresser, accélérer le travail et libérer l’esprit . Ces routines rassurent, sécurisent dans les conditions dégradées (en fixant le cap, une route et un ordre des tâches imprimées dans la routine, de facto aussi en priorisant automatiquement ce que l’expérience et l’efficacité des leçons des répétitions passées). Ces routines décrivent un super schéma de travail pour chaque vacation. Cette routine de tâches est plus minimale la nuit, mais le sous-effectif encore plus grand et le stress avec en cas d’urgence.
  • La catégorisation, en repérant et donnant la priorité de l’attention aux BB les plus à risques (cat A), ce qui permet de vraiment concentrer son énergie au point le plus critique, et en utilisant largement la routine pour les autres. Cette catégorisation est permanente dans la journée, réitérée continuellement.
  • L’actualisation continue de la ‘pancarte nourrisson’ (nursing Kardex) en cours et surtout à la fin de chaque vacation ; beaucoup infirmières ont en plus des notes personnelles qui leur servent à remplir la pancarte en décalé, et à préciser des points lors des transmissions. IL faut dire que beaucoup de choses sont marquées sur cette pancarte, y compris les heures d’appel aux docteurs, et leurs heures d’arrivée, jouant de ce fait un rôle aussi de trace médico-légale. 
  • Une répartition significative des tâches difficiles réservées aux infirmiers séniors et les tâches faciles réservées à la partie ‘laborieuse’ des étudiants et des familles.
  • L’autonomie des personnels séniors dans leur poste de travail : cette autonomie va bien plus loin que l’on imagine ; on note une forte auto-organisation collective de l’absentéisme, des retards de prise de poste,  avec une répartition officieuse et dynamique des roulements et des présences pour assurer le travail hors planning officiel, qui jouent aussi un rôle dans la régulation sociale personnelle, et l’acceptabilité sociale de ces conditions de travail dégradées. 
  • Le pragmatisme est une règle. Tout n’est évidemment pas routine ; la journée est parsemée de dysfonctionnements divers, On voit par exemple des objets personnels ou dérivés de leur utilisation servir à remplacer les manques : chauffages électriques, et des matériels passer d’un service à l’autre constamment.
    Autre point culturel, sans doute parce que le risque néonatal est encore élevé, le fatalisme et l’appel à la religion (au miracle…) semblent plus grands qu’en Occident.

Au bilan, ces stratégies humaines pour gérer la misère des conditions de travail ne sont en rien spécifiques à ce domaine médical. Elles sont partagées par tous les experts confrontés à ces conditions difficiles ; on les retrouve dans les publications militaires, dans les publications dans les secteurs sous chroniques contraintes de personnels, notamment les services publics. Elles sont comme un socle ‘naturel’ (au sens de partagé) et expert de savoir-faire humain qu’il faut prendre en compte si l’on doit revenir à des situations de cet ordre dans l’industrie, temporairement ou de façon permanente, car il assure une vraie bonne sécurité, certes bien moins bonne que nos méthodes optimisées, mais très supérieure à ce que ce serait la non mise en route de ces stratégies.